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Je pense que l'une des réponses attendues, sinon nécessaires, consiste à retrouver l'idée que l'Etat n'est pas une personne mais une structure juridique produite par l'homme, faite de droits, et que seule une personne peut avoir, à proprement parler, des devoirs.

Ce qui rejoint votre thèse : l'entité transcendante de l'Etat ne saurait jamais être quiconque ou quoi que ce soit d'autre que le sujet libre et responsable. L'Etat ne peut rien devoir à quiconque, pour la bonne raison qu'il n'est pas doué d'agence. Il ne sait pas qu'il a des devoirs, il est aussi irresponsable que n'importe quel agent de l'imagination.

Mais le sujet libre et responsable doit contraindre l'Etat à fonctionner "comme il se doit", comme l'ingénieur et le technicien fabriquent et utilisent une machine, sous la forme de règles pour un jeu, la forme contractuelle. L'agent politique, que nous sommes tous, est responsable de s'assurer que la structure fonctionne selon sa téléologie : de la même façon qu'un individu qui n'a pas d'objectif est certain de ne jamais atteindre ses buts, aucun Etat ne peut se comporter comme il se doit s'il n'est pas administré et contrôlé par des citoyens qui partagent une vision de l'avenir. Le devoir de l'Etat étant celui que les humains se fixent à eux-mêmes, il reste du devoir de chacun de s'assurer qu'il accomplit le sien sans faillir.

Ce que l'État nous doit, ce n'est ni plus ni moins que ce qu'on se doit à soi-même et qui consiste essentiellement à faire ce que l'on doit faire. Si chacun faisait toujours ce qu'il doit faire, plutôt que ce qu'il désire, l'État ne cesserait jamais de permettre de réaliser les devoirs que les citoyens lui ont fixé.

Le danger de la conscience intuitive est que cette dernière a tendance à personnifier les institutions, comme un reste d'animisme, et qu'elle projette dans la chose ce qui appartient à la personne et perd en contrôle du réel ce qu'elle gagne en imagination. Et que les psychologues appellent le transfert du "LOC interne" vers le "LOC externe". Si bien qu'à la fin, il n'est pas rare que la foule regarde l'État comme on regarde Dieu, les yeux dans le vide et le coeur plein d'espoirs, sans bien réaliser le néant humain dans l'objet fabriqué, sans non plus réaliser que cette perte de subjectité ("croire en l'État" comme à une personne, transférer son âme dans un objet de l'imagination) représente déjà un manque au devoir d'être soi, unifié, conscient et responsable, dénué d'illusions sur ce qu'être implique comme devoirs et en particulier être un agent de l'État, le citoyen d'une nation, le garant du droit.

Au final, l'État ne saurait devoir quoi que ce soit à qui que ce soit, au même moment où nombre d'entre nous manquons à nos devoirs en comptant sur l'État pour compenser.

Quel leurre ! Quelle erreur de jugement !

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